Analyse de l'impact sur les établissements de restauration et les idées pour s'y préparer

Si vous ne le savez pas déjà, nous vous informons qu'une nouvelle réglementation risque d’impacter votre activité : l’obligation de trier ses biodéchets à compter du 1er janvier 2024.

Cette obligation s’applique à tous les professionnels de la restauration dite commerciale (restaurants, hôtels, brasseries, traiteurs…) et collective (établissements d’enseignement, de santé, du social et judiciaire, restaurants d’entreprises et de la fonction publique), quel que soit le volume produit.

On décrypte pour vous les grands enjeux et on analyse les solutions avec le témoignage de professionnels en activité.

Un biodéchet, c’est quoi ?

Selon le code de l'environnement (art. R. 541-8), il s’agit de « tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine, issu notamment des ménages, des restaurants, des traiteurs ou des magasins de vente au détail, ainsi que tout déchet comparable provenant de transformation de denrées alimentaires. » Pour faire simple, ce sont tous les déchets dits organiques : restes de repas, coquilles d'œufs, épluchures de fruits et de légumes, marc de café, restes de viande et de poisson…

Pourquoi le tri des biodéchets devient-il obligatoire ?

Le tri et la valorisation des biodéchets permet de réduire considérablement le volume des poubelles. En effet, les biodéchets représentent un tiers des ordures qui finissent la plupart du temps enfouis ou incinérés. Une aberration environnementale lorsqu’on sait qu’ils sont composés à plus de 60% d’eau.

Un retour au sol est bénéfique pour faire du compost et des digestats de méthanisation qui permettent d’amender les sols en réduisant le recours à l’importation d’engrais chimique. La valorisation énergétique est également possible via la production locale de biogaz et de biométhane. Bref, la valorisation de ces déchets est à la fois un enjeu environnemental, climatique et économique.

À partir du mois de janvier 2024 et dès le premier kilo de biodéchets produit, les restaurateurs devront les trier à la source en vue de leur valorisation organique, soit par retour au sol (compostage), soit par production énergétique (méthanisation).

Concrètement, il faut s'équiper de contenants dédiés aux biodéchets (des bacs en plastique ou une poubelle dédiée). Pour vous assurer un bon tri, prenez le temps de former vos équipes grâce à des instructions claires, notamment sur le contenu autorisé dans la poubelle des biodéchets et les modalités de collecte. Vous pouvez même organiser une pesée de vos biodéchets pour les motiver.

Les solutions de compostage

COMPOSTER SUR PLACE

Une solution de compost à proximité permet une valorisation de vos biodéchets directement sur place, avec peu ou pas de transport. De plus, vous pourrez valoriser votre entreprise et le travail de vos équipes auprès de votre clientèle. De cette solution résulte un compost utilisable localement, dans vos espaces verts ou votre jardin potager, par exemple. Le choix du compostage implique néanmoins un suivi par une personne formée. Il nécessite aussi un espace extérieur alloué au compostage. Enfin, il peut ne pas être adapté à des volumes trop importants de biodéchet

COMPOSTER A EMPORTER

Autre solution, la collecte séparée assurée par un prestataire spécialisé. Elle est synonyme de gestion simplifiée et permet d’avoir une meilleure traçabilité. Cependant, la possibilité d’une collecte séparée dépend de l’existence d’une telle solution sur votre territoire : si le service public ne propose pas de collecte aux professionnels, vous devrez souscrire une prestation avec un acteur privé.

Un partenariat gagnant-gagnant pour Mathieu Pérou !

Dans son établissement " Le Manoir de la régate* " situé à Nantes (44), le chef Mathieu Pérou propose une cuisine engagée et entretient, depuis ses débuts, une démarche responsable de gestion des biodéchets dans son établissement ! Il a d'ailleurs été récompensé pour ses engagements durables d'une étoile verte au Guide Michelin.

Dans un environnement naturel, il bénéficie d'un espace extérieur pour composter directement sur place ses biodéchets et se dit conscient de la chance de pouvoir fonctionner ainsi.
En travaillant avec un jardinier et un pépiniériste local, les biodéchets sont transformés pour leur donner une seconde vie !

Comment ça se passe concrètement ?

Chaque personnel de cuisine a deux poubelles de postes, une pour les déchets alimentaires qui iront dans la poubelle de compostage, et une pour les déchets non alimentaires qui rejoindront la poubelle classique. La poubelle des biodéchets est vidée deux fois par semaine dans le bac à compost.

Comme le disait Paul Bocuse : "Ma cuisine est faite d'os et d'arêtes". Dans notre cuisine, j'aime suivre ce mantra, la valorisation des biodéchets commence par le respect du produit. Je fais en sorte qu'on puisse travailler chaque ingrédient "de la tête à la queue" dans les recettes.

La prochaine étape pour nous c'est de travailler l'isolation de notre établissement, une bâtisse du XIXe siècle.

Mathieu Pérou
Chef du Manoir de la régate à Nantes (44)

Et si vous vous lanciez grâce aux initiatives locales ?

Les initiatives locales pour la gestion des biodéchets en restauration collective se multiplient, offrant des solutions innovantes et écologiques. Des plateformes offrent des services de collecte, une solution idéale particulièrement en milieu urbain. Vous pourrez ensuite adapter la fréquence de collecte à votre volume de déchets. Attention à toujours conserver les documents relatifs à la traçabilité réglementaire. Vous pouvez également faire appel à Take a Waste, une société spécialisée qui accompagne les entreprises sur leurs problématiques déchets de A à Z : diagnostic, gestion, outils.

La collecte de compost à vélo est une solution que l’on voit apparaître dans plusieurs villes de France comme Les Rennes du Compost à Rennes, Les Carrioles Vertes à Bayonne ou encore la société Sikle à Strasbourg, réduisant ainsi l’empreinte carbone du processus de gestion des déchets.

Ces démarches s'inscrivent dans une volonté plus large de lutte contre le gaspillage alimentaire et de promotion des pratiques responsables. Elles contribuent non seulement à la préservation de l'environnement, mais aussi à l'éducation des citoyens et à la sensibilisation des acteurs économiques des enjeux du recyclage et de la valorisation des matières organiques.

La gestion des biodéchets en restauration collective

La gestion des biodéchets en restauration collective est devenue une priorité environnementale. La loi Grenelle II impose depuis 2016 une collecte de biodéchets avec un tri à la source pour les établissement produisant plus de 10 tonnes de biodéchets par an. Il est également nécessaire de faire une valorisation des déchets organiques, souvent sous la forme de compostage ou méthanisation. Depuis 2023, la loi AGEC réduit le seuil à 5 tonnes de biodéchets jetés par an par établissements, touchant un plus grand nombre de restaurants. Cette réglementation vise à lutter contre le gaspillage alimentaire, en faisant la promotion d' ainsi à une économie circulaire et à la lutte contre le changement climatique. 

Une prise de conscience pour Grégory Lejeune

Sabrina et Gregory Lejeune ont monté la pâtisserie vivante et engagée "Délicatessaine" en centre ville de Nantes (44).

Après avoir travaillé dans la restauration haut de gamme, Grégory a tellement vu de gâchis qu’il s’est promis d’adopter une démarche responsable le jour où il ouvrirait son établissement.

Grégory et sa femme ont un compost dans leur jardin qui sert à alimenter leur potager en permaculture. Quand ils ont créé leur établissement, le compostage était pour eux une évidence.

N’ayant pas d’options de collecte, ils rapportent chaque semaine leur 10kg (ou plus) de biodéchets pour le composteur de leur jardin. Ils ont embarqué tous leurs salariés dans l’aventure, et ses derniers compostent également maintenant à titre personnel.

Globalement, ils ont une politique zéro déchet, et ne jettent rien. Ils mettent un point d’honneur à ce que tout soit recyclé. Ils ont souscrit à l’application Phénix pour leurs invendus, et tout disparait. Avant leur jour de fermeture, ils donnent à des associations locales (ex : l’autre cantine).

Au démarrage il a fallu surveiller un peu les salariés, aujourd’hui ce n’est plus nécessaire. Tout le monde a pris le pli. Pour nous c'était une démarche évidente et aujourd'hui on se rend compte que c’est simple, il faut juste en avoir envie, et ensuite il suffit d’avoir la poubelle dédiée. En tant que professionnels, on doit tous s'y mettre, compte tenu de la quantité de biodéchets que l’on génère.

 

Grégory Lejeune
Chef pâtissier de la boutique Délicatessaine à Nantes (44)

Le coût de la démarche

Le tri à la source des biodéchets a un coût. Néanmoins, cet investissement tend à s’équilibrer sur le long terme et peut même générer des profits, grâce aux produits de la valorisation ou grâce à l’allègement des coûts liés à la gestion des déchets résiduels, dont le volume doit diminuer. C'est aussi l'occasion de travailler à produire moins de déchets ! Le déchet qui coûte le moins cher reste celui qui n’est pas produit. Retrouvez plus d’informations dans le guide Déchets des professionnels et des établissements publics de l’ADEME.

Le tri des biodéchets est un vaste sujet qu’il est important d'appréhender dès maintenant afin d’appliquer les futures réglementations sereinement. Que vous soyez un restaurateur exerçant à la campagne ou en plein centre ville, des solutions de collecte varient. Les municipalités doivent également faire le nécessaire pour accompagner cette transition en douceur.

Guide Déchets des professionnels et des établissements publics de l’ADEME.

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